LA SENTINELLE

De Claire Clément

Illustré par Léo ALCARAZ

 

 

 

C’est en regardant une photo que l’envie et l’urgence d’écrire ce livre « La sentinelle » m’a saisie. Cette photo, couverture d’un livre intitulé « Les abandonnés de la République » chez Albin Michel, représentait une jeune fille amérindienne au regard triste, si triste. J’ai appris depuis qu’elle s’était suicidée.

Et j’ai découvert ce drame silencieux qui se jouait en Guyane, dans les villages amérindiens, sur le Haut Maroni.

Les enfants wayanas se suicident à partir de 12 ans !

Quelle société pousse des enfants si jeunes au suicide ?

Là-bas, le collège est si loin que les enfants doivent aller en internat ou en famille d’accueil durant toute leur scolarité. L’essence est trop chère pour qu’ils rejoignent leur famille en pirogue. Si bien qu’ils perdent peu à peu leurs racines, leur langue, et l’avenir leur parait si fermé, si noir, qu’ils perdent tout espoir d’être heureux un jour.

Cette histoire raconte l’amitié de deux jeunes Wayanas et leur départ plus tard en famille d’accueil. L’un supporte mieux « l’exil » que l’autre.

Car c’est bien un exil et en cela, ce livre rejoint l’histoire universelle de ceux qui vivent loin de chez eux, la solitude à laquelle ils sont confrontés qui les amène souvent à se sentir étranger partout, et le sentiment dévastateur de perdre son identité, voire son âme.

Pourquoi ce titre « la sentinelle » ? Il fait référence à un programme de prévention contre les suicides qui instaurait la mise de place de « sentinelles » dans chaque village du Haut Maroni. Hélas, ce projet est resté sans suite.

J’aimerai que ce livre qui parle d’un ailleurs sans doute inconnu du lecteur l’invite aussi à devenir une sentinelle, là où il vit.

La créativité et la mise en couleurs de Léo Alcaraz donnent au livre une dimension encore plus touchante, car, face au foisonnement si riche de la forêt amazonienne, qu'il a bien rendu, on comprend mieux leur détresse lorsque ils s'éloignent de ce lieu magique.