Interview d'une journaliste de la revue " les cahiers pédagogiques". Juin 2022
Quand vous écrivez, pensez-vous à votre lectorat ?
Comme j’écris pour tous les âges, des albums pour les petits à partir d’un an, jusqu’aux ados, collège principalement, alors forcément, le sujet traité ne peut pas être le même suivant le lectorat. En effet, les émotions, comme la peur d’être abandonné, d’être rejeté, le chagrin, la honte, la colère, si elles ont des ramifications identiques à n’importe quel âge, s’expriment différemment.
Qu’est-ce qui change dans la façon d’écrire face à vote lectorat ?
Ce qui est fondamental, lorsqu’on est auteure, c’est d’être capable de se mettre à la place de notre lecteur. De se rendre « disponible », totalement. Le Corbusier, qui était athée, peignait des figures religieuses. On lui demandait comment il en était capable vu qu’il ne croyait pas en Dieu. Il répondait : - Je suis disponible.
Alors pour comprendre un enfant de 2 ans, de 5 ans, de 8 ans, de 12 ans, il faut s’obliger à vivre ses émotions. Pas seulement les comprendre qui est une posture intellectuelle, mais les ressentir dans sa chair. Cette transposition demande un effort, et parfois on rechigne, on traîne, on fuit son ordinateur. Mais au final, on sait que notre histoire sera forte, convaincante et touchante qu’à cette condition. On trouvera de façon intuitive le personnage, le décor, la situation et l’écriture.
De quelle façon cela influe sur votre écriture ?
En ce qui concerne l’écriture, si on observe la condition ci-dessus, elle s’adapte au personnage de façon naturelle. C’est comme si on entendait sa voix. Mais attention,
le travail d’un auteur est aussi de se mettre au niveau de son lectorat, pour être sûr d’être compris. Le vocabulaire a changé. Des mots sont devenus désuets, et en CM2 notamment, j’ai eu la surprise de voir que beaucoup de mots étaient incompréhensibles pour les enfants, comme « lorgner », par exemple. Les enfants m’ont établi une liste comportant pas loin de 30 mots qu’ils ne comprenaient pas. Là, on doit réfléchir à notre posture : qu’est-ce qui est le plus important pour nous, auteurs ? Que le lecteur s’identifie et entre dans l’histoire, ou bien, qu’à cause du langage, il se sente incompris et exclu ? Un professeur des écoles voudrait leur apprendre de nouveaux mots, mais ce n’est pas l’objectif d’un auteur, qui privilégie le ressenti au pédagogique. Ce qui n’empêche pas de mettre de temps en temps un mot plus élaboré qu’ils comprendront dans le contexte, juste pour se faire plaisir.
Je m'appelle Claire Clément.
Je suis née à Paris, et suis la cadette d'une fratrie de cinq enfants. Ma mère était bibliothécaire, mon père était artisan chauffagiste. J'ai été entourée de livres toute mon enfance, et j'adorais lire.
Mon père, lui, avait ce talent rare de savoir raconter des histoires. En l'écoutant, on vivait les scènes qu'il nous décrivait, et ma mère avait beaucoup de mal à nous envoyer au lit.
J'habite la région parisienne, sur un bateau. J'ai 4 enfants, deux filles et deux garçons. Je suis auteur jeunesse depuis 1989, date à laquelle j'ai écrit ma première histoire : " la fille qui ne voulait pas se marier". Elle a été publiée à Bayard Presse, dans le magazine Les Belles Histoires.
Depuis j'ai publié une centaine d'histoires ! Certains pensent que l'imagination est une source qui peut se tarir...Moi je crois que tant qu'on reste les yeux grands ouverts sur le monde, et les oreilles tendues au moindre bruissement, l'imagination a de quoi se nourrir,et de source,elle deviendra rivière, fleuve ou océan !